Pourquoi un élève se démotive t'il ? Comment le (re)motiver ? Qu’est-ce donc que la motivation, et quelle est sa place dans les apprentissages scolaires ?
L’article se propose d'examiner en détail les causes de la motivation et de la démotivation scolaire et ses conséquences sur la relation pédagogique.
De quoi les élèves ont-ils fondamentalement besoin pour se motiver et réussir leur scolarité ? Si vous n'êtes pas le type d'enseignant à traiter l'échec par l'exclusion, cette question va forcément vous intéresser. C'est une question simple, et pourtant, les réponses sont souvent complexes et loin de faire l'unanimité. Il existe en effet diverses approches qui ne partagent pas la même conception sur les façons de susciter le désir d'apprendre et d'impliquer les jeunes dans leur réussite scolaire.
Comment faire émerger le désir d'apprendre ?
Parler de motivation scolaire suppose au préalable de réfléchir à la manière dont un enseignant peut stimuler et transformer la curiosité de ses élèves en un engagement dans les apprentissages scolaires.
Des représentations concurrentes sur l'art et la manière d'enseigner
Nous pouvons avec le pédagogue français Philippe Meirieu distinguer au moins 4 approches pédagogiques concurrentes sur la manière d'enseigner pour susciter le désir d'apprendre.
Il y a ceux qui croient en une "éducation négative", c'est à dire en une forme de développement spontané, de spontanéisme ; les élèves sont censés désirer naturellement apprendre, il faudrait simplement laisser émerger ce désir en eux, sans les presser et sans les contraindre. Ce "naturalisme pédagogique" a tendance à refuser toute forme d'autorité dans la relation enseignant-élève.
Il y a ceux, moins rousseauistes, qui préfèrent valoriser une pédagogie centrée sur l'intérêt de l'élève. On va s'intéresser à ce qui intéresse l'élève pour lui donner envie d'apprendre ce qui est dans son intérêt. Les savoirs vont ainsi se transmettre à partir de ce qui intéresse plus directement l'élève, à partir de ses hobbies, ses loisirs. Le procédé est assez efficace bien qu'il faille faire usage de la ruse.
D'autres encore pensent que c'est en attribuant une utilité, une application, une fonctionnalité concrète aux savoirs, à l'extérieur de l'école, que les élèves vont désirer apprendre. Ils pensent également que le savoir doit pouvoir se transformer en compétences en vue de futurs emplois. Le savoir scolaire trouve en ce sens sa finalité pratique, éventuellement économique, à l'extérieur de l'école.
Il y a enfin ceux qui considèrent que le désir d'apprendre est avant tout étroitement lié à la manière dont les savoirs sont présentés et explorés de l'intérieur pour susciter un pur plaisir de compréhension. Bon sang mais c'est bien sûr ! Eurêka ! Le plaisir d'apprendre est associé au plaisir d'accéder à la rationalité et à la valeur symbolique des savoirs. L'utilité de ce qui est appris est secondaire. L'élève trouve au savoir une finalité en soi, sans nécessairement ressentir le besoin de lui dédier des usages.
Ces conceptions pédagogiques se bâtissent sur différentes représentations de l'éducation, de l'école, de l'élève, du savoir, et de la relation de l'élève au savoir. Or, c'est la nature de cette relation aux savoirs scolaires qui va être déterminante dans la motivation de l'élève pour apprendre.
Les élèves très motivés sont activement et volontairement engagés dans des activités, ils n’ont pas besoin d’anticiper une récompense pour se mettre au travail et participer à l'environnement d'apprentissage. Au contraire, les élèves qui manquent de motivation ont davantage tendance à accepter de travailler en échange d’une récompense : ils n’étudient pas “pour eux”, parce qu’ils trouvent cela intéressant, mais parce qu’ils attendent une gratification. Ce faible degré de motivation peut avoir des répercussions négatives sur la réussite scolaire et le bien être à l'école.
Nous allons décrire plus précisément ces deux formes de motivation intrinsèque et extrinsèque, identifiées par Edward Deci et Richard Ryan (2000) dans la théorie de l’autodétermination.
De la motivation extrinsèque à la motivation intrinsèque
La motivation intrinsèque s’exerce lorsqu’une activité est réalisée pour elle-même, c’est-à-dire pour le sentiment de satisfaction qu'elle procure, sans anticipation de récompenses externes. La curiosité et le plaisir sont associés à la situation d’apprentissage. Un bon niveau de défi, associé à une tâche réalisable (qui requiert des compétences dont l’élève dispose ou est en voie de maîtriser) qui déclenche des sentiments d’intérêt pour l’élève sont des facteurs clés de motivation intrinsèque.
Les élèves ainsi animés par une motivation intrinsèque n’attendent pas de récompenses et recherchent des situations d’apprentissage pour éprouver le plaisir d’en connaître davantage sur un sujet.
Selon la théorie de l’autodétermination, la motivation intrinsèque est principalement déterminée par les besoins d'appartenance (de relation et de filiation), de compétence et d'autonomie : “résoudre un problème de mathématiques, apprendre à communiquer en anglais ou à réparer une panne électrique sont autant de motivations intrinsèques qui répondent aux besoins de compétence, d’autonomie ou de relation” (R. Ryan, E. Deci, 2000).
Au contraire, la motivation extrinsèque se manifeste lorsque les élèves s'engagent dans l’activité par contrainte, par peur de la punition ou en anticipant des signes de reconnaissance, des bonnes notes par exemple, des récompenses ou simplement pour “faire plaisir à”.
Selon la même théorie de l'autodétermination, on peut distinguer plusieurs aspects à la motivation extrinsèque (par régulation externe, introjectée, identifiée et intégrée). Nous renvoyons le lecteur intéressé par cette théorie sur le site du Réseau d'Information pour la Réussite Éducative (RIRE).
La motivation peut être encouragée de façon extrinsèque au début d’un apprentissage, notamment lorsqu'il s'agit d'exercices fastidieux, mais l’objectif final est de développer une motivation intrinsèque. Bien que la motivation extrinsèque puisse déclencher un niveau élevé de volonté et d'implication au début de l’apprentissage, les récompenses externes finissent en effet par abraser chez les élèves le plaisir d’apprendre et de s'engager dans les activités pédagogiques.
Les motivations extrinsèque et intrinsèque interviennent toutes deux dans le processus d'apprentissage. La première, qui passe par des encouragements, permet d’engendrer une énergie initiale d’apprentissage ; la deuxième, qui fonctionne davantage sur le long terme, peut mener à des niveaux plus élevés d'auto motivation et donc d’autonomie dans l’apprentissage (Ti et Lynch, 2016).
Un enseignant ne pourra toutefois remotiver un élève qu'en comprenant finement les raisons pour lesquelles il s'est démotivé. Les bonnes paroles d'encouragement risquent autrement de rester parfaitement vaines si l'enseignant ne perçoit pas les motifs plus profonds de la démotivation.
Pourquoi un élève se démotive t'il ?
Le manque de motivation des élèves est un problème fréquent auquel les enseignants sont confrontés. C'est un problème complexe car la relation au savoir s'établit en fonction de la relation à l'autre, à celui qui va transmettre les connaissances et donner du sens aux apprentissages.
Le manque de motivation des élèves peut ainsi faire miroir au manque de motivation des enseignants qui sont alors contraints de remettre en question, en discussion, leurs méthodes d'enseignement.
Les élèves sont en effet incomparablement plus engagés dans leur travail quand les enseignants sont eux-mêmes impliqués, accessibles, encourageants et lorsqu'ils utilisent des méthodes pédagogiques différenciées et des supports d'apprentissage variés (vidéos, lectures, diaporamas, etc.). C'est l'effet prof ! Toutefois, il est devenu un peu facile de culpabiliser les enseignants, sans comprendre qu'il s'agit souvent d'un problème relativement indépendant de leur bonne volonté et de leurs compétences.
Nous souhaiterions dans cette perspective proposer quelques interprétations pour tenter de mieux comprendre comment se manifestent la démotivation scolaire et la perte de sens des apprentissages.
Le sentiment d'inefficacité personnelle
Le psychologue canadien Albert Bandura a montré, dans ses recherches sur l'impact du sentiment d'efficacité personnelle, que la confiance en soi, et plus précisément le sentiment d'auto-efficacité et le fait de croire en sa potentielle propre réussite, est un marqueur central de motivation.
Ce sentiment d’auto-efficacité est une confiance contextuelle qui s’applique à des situations très différentes comme celles de l’apprentissage scolaire, du sport, de l’emploi, etc. Les jeunes dont le sentiment d’auto-efficacité est élevé ont tendance à persévérer, à se fixer des objectifs ambitieux, à mieux s’autoréguler dans leurs apprentissages, et à faire preuve de compétences métacognitives.
À l’inverse, un manque de sentiment d’auto-efficacité crée des émotions d’anxiété face à la réalisation d’une nouvelle tâche, et, in fine, un évitement des situations vécues comme anxiogènes, car pouvant aboutir à un échec et un sentiment de honte. Un entourage qui exprime sa croyance dans les capacités du jeune permet de le motiver à fournir des efforts. Les attentes de performance doivent être réalistes, au risque de mener à un échec qui renforce le déficit de sentiment d’auto-efficacité.
Il est important de ne pas humilier un jeune qui ne réussit pas, de le rassurer sur ses capacités, de l’aider à identifier ses difficultés et de lui proposer un accompagnement plus adapté.
L'ennui et le besoin de nouveaux défis
Tous les apprenants ont besoin d’accorder du sens à ce qu’ils étudient. Un élève peut estimer un cours inutile parce qu'il ne perçoit pas immédiatement son intérêt, il ne voit pas le lien avec sa vie quotidienne. Et s'il ne peut pas donner du sens à son apprentissage, il finit inévitablement par ressentir de l'ennui et un sentiment d'insignifiance pour la matière.
Un élève peut aussi ressentir de l'ennui si un enseignant passe trop de temps sur une notion qu'il a déjà assimilé. Ces élèves ont besoin de nouveauté et de défis valorisants pour stimuler leurs capacités. Souvent, ce sont des jeunes qui ont confiance en eux et recherchent donc des exigences élevées.
En parallèle, les élèves qui ont des troubles d'apprentissage, de même que ceux qui manquent d’assurance, d’estime de soi, peuvent décrocher leur attention lorsque le matériel pédagogique n’est pas adapté à leurs capacités et/ou qu’ils ne croient pas en leur capacité à réussir.
Les troubles affectifs, l'agressivité et la recherche d'attention
Un trouble émotionnel peut impacter négativement la concentration : l'anxiété, la peur, la dépression ou un sentiment de détresse peuvent interférer avec la motivation scolaire. Le cœur n'y est pas. D'autres problèmes préoccupent l'élève et il n'a plus la disponibilité nécessaire pour rester attentif en classe.
Un enseignant qui a suffisamment de sensibilité et de tact pour en parler avec son élève peut réussir à faire évoluer très positivement la relation pédagogique. Ce dialogue est d'autant plus important qu'il peut permettre à l'élève de réinvestir positivement les savoirs enseignés à l'école.
D'autres jeunes peuvent refuser de travailler et ainsi saboter leur scolarité pour exprimer de la colère envers les parents. L’agressivité n’est alors pas exprimée directement, frontalement, mais de façon détournée, au détriment des apprentissages scolaires. Cela peut être le cas lorsqu'un élève souffre d’une pression intense à la réussite et tente de reprendre le contrôle en refusant de travailler.
Dans ces conditions, plus le parent essaie de contrôler le jeune et sa réussite à l’école, plus les résultats baissent. Un enseignant qui en prend conscience peut tout à fait en parler à ses collègues et éventuellement demander à rencontrer les parents de l'élève pour l'aider à communiquer autrement son agressivité qu'en s'abîmant dans des attitudes contre-productives.
Certains jeunes peuvent aussi délaisser leur travail scolaire pour attirer l'attention des parents ou des enseignants. Ces comportements peuvent cacher des problèmes de confiance en soi, un manque général de reconnaissance ou d’écoute, un sentiment d’abandon. L’attention accordée à chaque élève est un puissant facteur de motivation. Alors n'hésitez pas à valoriser leurs efforts et à écouter leurs difficultés, sans nécessairement chercher à donner des conseils !
Les troubles de l’apprentissage
La position d'élève suppose de l'humilité. Il s'agit de se laisser enseigner et donc d'avoir conscience de ce que l'on ne sait pas (encore) et d'accepter de ne pas tout savoir. Les élèves qui ont dû mal à reconnaitre leurs limites et qui manquent de confiance en eux peinent à accepter cette position.
Les jeunes atteints de TA peuvent aussi trouver que l'apprentissage est un processus difficile, frustrant ou qui manque de sens. Parmi d’autres, les problèmes de mémoire, les difficultés à suivre les instructions, les troubles de la perception visuelle ou auditive de l'information, l’incapacité à effectuer des tâches papier et crayon (c'est-à-dire écrire des compositions, prendre des notes, faire des devoirs écrits, passer des tests) peuvent transformer l'apprentissage en une corvée vraiment démotivante.
L’environnement scolaire
L'environnement scolaire fait référence à différentes normes et réglementations qui déterminent le climat général de l'école. Un environnement scolaire positif permet aux élèves de se sentir en sécurité, répond à leurs besoins de base et leur offre un environnement optimal pour bâtir des relations sociales saines. Les jeunes doivent se sentir libres de poser des questions, d'exprimer leur curiosité, etc.
À l’inverse, les environnements trop sévères inhibent la motivation et le sens des apprentissages. Le savoir de l'enseignant ne doit pas se transformer en pouvoir abusivement répressif sur l'élève. Le désir d'apprendre et la persévérance ne s'acquièrent pas au sein d’un environnement marqué par la peur et la menace de la punition ou l’entrave de la curiosité.
Un élève doit se sentir suffisamment libre et sécurisé pour éprouver le plaisir d'apprendre. L'ajout d'éléments amusants aux leçons peut aider à améliorer l'atmosphère scolaire, la motivation et les résultats. Laisser suffisamment de temps pour jouer et se reposer peut également avoir un effet positif.
La démotivation d’un élève peut s’expliquer par divers facteurs internes et externes. De même, la motivation peut provenir de l'élève lui-même (motivation intrinsèque : volonté d’apprendre pour le plaisir de l’apprentissage, en accord avec ses besoins et désirs) ou de l'extérieur (motivation extrinsèque : apprendre pour obtenir l'approbation des parents, des notes ou des récompenses).
Alors que la recherche scientifique démontre de manière convaincante que les jeunes qui trouvent en eux la motivation peuvent réussir et s’autonomiser davantage, les enseignants et les parents ont souvent l’impression que les enfants recherchent des renforçateurs externes.
En fait, la motivation varie souvent en fonction du milieu, des personnes impliquées, de la tâche et de la situation. Le poids des expériences antérieures, des émotions, de l'environnement scolaire mais aussi familial ne doit pas être occulté. Comment les enseignants peuvent, malgré tout, essayer de motiver ou de remotiver leurs élèves pour éviter à terme leur décrochage scolaire ?
Comment (re)motiver un élève ?
Comment un enseignant peut-il donner à ses élèves la confiance nécessaire à leur réussite, et le cas échéant, les remotiver ? Le neuropsychologue français Stanislas Dehaene réaffirme dans son ouvrage Apprendre ! (2018), les 4 principaux fondements de l’apprentissage :
L’attention, la capacité à se concentrer suffisamment longtemps ;
L’engagement actif, soutenu par une vision claire des objectifs à atteindre ;
Le retour de l’enseignant sur le travail effectué par l’élève (donner une appréciation approfondie, s’assurer que l’enfant a compris ses erreurs, l’évaluer régulièrement) ;
La répétition pour consolider les connaissances.
En tant qu'enseignant, vous devez rigoureusement prendre en compte ces 4 points essentiels pour renforcer la motivation de vos élèves. Pour bien apprendre, ils ont aussi besoin de poursuivre sereinement leurs apprentissages et explorations, sans craindre l’échec. C'est par essais et erreurs, et par rectification des erreurs qu'ils progressent rapidement et acquièrent un sentiment d'auto-efficacité.
Les enseignants peuvent renforcer ce sentiment d'efficacité personnelle d'un élève en lui montrant comment ses erreurs sont essentiels à son cheminement. Ils vont ainsi faciliter la transformation d'un sentiment d'inefficacité ou d'échec en source d'apprentissage.
À l'inverse, la sanction sévère ou inappropriée des erreurs menace sérieusement la motivation de l'élève et inhibe son désir d'apprendre. La transmission trop impositive des connaissances ou trop éloignée des capacités de l'élève risque de créer le même effet et de le démobiliser durablement.
Il faut enseigner dans la "zone proximale de développement" qui selon le pédagogue russe Lev Vygotski représente l’espace de progression auquel un élève peut accéder en collaboration. Il est également préférable pour la motivation de l'élève et pour maintenir son attention plus longtemps de valoriser un "apprentissage distribué" (réalisation d'une tâche en plusieurs fois).
Les enseignants peuvent enfin contribuer à renforcer chez leurs élèves un sentiment d'appartenance à leur classe et à leur école. Il s’agit d’un besoin essentiel à la réussite scolaire et de nombreuses études sociologiques démontrent un lien entre sentiment d’appartenance, motivation et performance scolaire.
Conclusion. Face à un élève très démotivé, la première chose à faire pour un enseignant est de chercher à savoir ce qui fait obstacle : les problèmes d'apprentissage, le sentiment d'inefficacité personnelle, les troubles émotionnels, la perte de sens des apprentissages… peuvent en effet s'aggraver avec le temps et conduire des jeunes à se désengager et à abandonner leurs études.
Plus de la moitié des décrocheurs ne bénéficient d'aucun accompagnement scolaire en dehors des heures de classe, et par conséquent, les enseignants jouent aujourd'hui un rôle d'autant plus important pour raccrocher les décrocheurs, tout au moins pour essayer de réduire le décrochage scolaire.
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