La confiance et le respect des élèves pour leurs enseignants est une condition préalable à une bonne transmission des savoirs. Mais comment l'enseignant doit-il s'y prendre pour asseoir son autorité ?Qu'est-ce que l'autorité en contexte éducatif et pédagogique ? Et en quoi l’autorité pédagogique de l’enseignant est-elle différente de l’autorité parentale ? Cet article se propose de répondre à ces questions et suggére quelques conseils aux jeunes enseignants pour faciliter la gestion de classe.
Qu’est-ce que l’autorité dans un environnement éducatif ?
L'étymologie du mot autorité (du latin auctoritas, dérivé du verbe augere) qui signifie "croitre, augmenter" désigne la capacité de créer, de faire grandir. Donner autorité à quelqu'un, c'est lui reconnaitre cette capacité, cette légitimité. La notion d'autorité implique en ce sens une relation d'autorité qui est plus précisément définie dans le dictionnaire Larousse comme le “pouvoir de décider ou de commander, d'imposer ses volontés à autrui”.
Cette définition tend à associer l'autorité à l'obéissance, à "l’individu qui se fait respecter, obéir, écouter”. Mais doit-on parler d'autorité ou d'autoritarisme quand l'obéissance est obtenue par la force ou par la contrainte ? L'autorité est-elle encore fondée et légitime quand elle s'oppose à la liberté ? Et qu'est-ce que l'autorité dans un contexte éducatif ou pédagogique "démocratique" ?
Le droit de commander aux autres n'est pas un droit naturel. Il suppose le consentement volontaire de ceux qui obéissent. Un enseignant, par exemple, tient de ses élèves l’autorité qu’il a sur eux. L'autorité ne s'autoproclame pas, elle se fonde et se légitime dans la relation aux autres.
Dans un environnement éducatif, l'adulte incarne une figure d’autorité auprès d’enfants, il en est responsable : responsable de l’éducation (parents), responsable de l’instruction (enseignants). Les rôles occupés sont différents, mais il existe le défi commun que l’enfant respecte l’autorité de l’adulte dans un objectif d’apprentissage, de progrès, de développement, de cheminement vers l’âge adulte.
Dans ce contexte, l'autorité impose des limites, des régles qui sont plus au service de la liberté de l'enfant qu'elles ne s'y opposent. “On a quelquefois opposé la liberté et l'autorité comme si ces deux facteurs de l'éducation se contredisaient et se limitaient l'un l'autre. Mais cette opposition est factice. En réalité, ces deux termes s'impliquent loin de s'exclure. La liberté est fille de l'autorité bien entendue" (Durkheim, dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire (Dir. F. Buisson, 1911)).
L’autorité pédagogique n’est pas (plus) un pouvoir de contrainte, une recherche de soumission ou d’obéissance inconditionnelle. La situation d’enseignement est interactive et suppose donc une écoute bienveillante et mutuelle… bien que la relation soit asymétrique entre deux individus (enfant, adulte) qui occupent une position hiérarchique bien différenciée.
Cette asymétrie qui caractérise la relation pédagogique doit être reconnue et acceptée : l’enseignant dispose des savoirs académiques (le sachant) qu’il transmet à l’élève (l’apprenant). On parle toutefois de relation pédagogique, et donc d’une influence réciproque qui n’est pas préétablie.
Pour instaurer cette relation pédagogique, l'enseignant doit ainsi se déprendre de la place du "maître" et d'une représentation trop verticale de la transmission. Le savoir et les explications de l'enseignant ne doivent pas en effet créer artificiellement une "hiérarchie des intelligences" ." Avant d’être l’acte du pédagogue, l’explication est le mythe de la pédagogie, la parabole d’un monde divisé entre esprits savants et esprits ignorants, esprits mûrs et immatures, capables et incapables, intelligents et bêtes" (Jacotot, dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire (Dir. F. Buisson, 1911)).
Le "maître explicateur" doit ainsi céder la priorité au bon pédagogue qui ne va pas transmettre à ses élèves un sentiment d'infériorité et de dépendance aux explications mais qui au contraire va susciter en eux un désir actif d'apprendre et le courage de penser par eux-mêmes.
L’autorité parentale et l'autorité de l’enseignant
Le rôle des parents (titulaires légaux de l’autorité) est, entre autres, d’apprendre à l’enfant le respect de l’autorité. L’enfant doit comprendre qu’il a des droits, mais aussi des devoirs. Le respect est une condition d’apprentissage, et plus largement de vie en société. Les parents doivent savoir impérativement limiter la pulsion de toute-puissance de l’enfant pour lui apprendre à s'intégrer, à mieux vivre avec les autres, en acceptant les différences et en tolérant les divergences d’opinions.
Les enfants doivent se savoir écoutés et pris en considération pour apprendre l'obéissance, la tolérance, la sollicitude, et le respect des règles sociales.
Les parents ne doivent pas discréditer les autres formes d’autorité auxquelles l’enfant est confronté en dehors de la famille (par exemple, à l'école). L’enfant a besoin de repères et de cohérence. Le respect ne peut être circonscrit au seul cercle familial.
L’enseignant partage avec le parent une responsabilité dans l’éducation des enfants, et une mission de transmission du savoir. À l’inverse de la bulle familiale, l’enseignant est responsable de tout un groupe d’élèves. Pour exercer son autorité, il doit prendre en compte la dynamique de groupe. Voici quelques conseils et suggestions adressés aux jeunes enseignants pour que la classe se passe au mieux :
Posez les règles de conduite dès le départ. Elles doivent être claires, et n’hésitez pas à les reformuler pour qu’elles soient bien intégrées par les élèves. Expliquez-les, mais vous n’avez pas besoin de les justifier (vous devez savoir justifier leur pertinence, mais pas nécessairement devant les enfants). Dans les classes de jeunes élèves, vous pouvez afficher au mur un “code de conduite” auquel les enfants peuvent se référer.
N’y dérogez pas, mais sachez instaurer une certaine flexibilité et adaptabilité (à propos des méthodes pédagogiques par exemple). Le fait d’être exigeant, de ne pas céder, de ne pas se laisser déstabiliser, permet une cohérence et une crédibilité. Les interdits et des limites donnent des repères aux enfants et instaurent un cadre sécurisant d’apprentissage.
Gardez votre calme, ne cédez pas aux provocations, ne vous laissez pas déborder par vos émotions, n’entrez pas dans un affrontement avec l’élève désobéissant. Par la parole, cherchez à lui faire comprendre l’absurdité ou l’inconvenance de sa conduite.
L’autorité, pour être exercée, doit se baser sur le dialogue : on parle d’autorité bienveillante, et non d’autoritarisme. Vous devez respecter l’enfant pour qu’il vous respecte en retour.
Les punitions doivent être justes et proportionnelles. Ne versez pas dans l’humiliation, qui n’a aucune vertu pédagogique. La punition doit permettre à l’enfant de comprendre le caractère néfaste de son action, et l’importance de ne pas recommencer. Comprenez néanmoins qu'un enfant peut provoquer la punition pour soulager un sentiment de culpabilité. Il faut alors l'aider à en prendre conscience, en élaborant avec lui la signification implicite de son comportement.
En parallèle, valorisez les réussites des élèves, soulignez leurs progrès et intéressez-vous à eux.
Faites-vous confiance. Les enfants sentent quand la consigne n’est pas exprimée de façon décidée, ferme. Vous êtes légitime à enseigner, n’en doutez pas ; reconnaissez le fait que vous disposez de savoirs. Si vous n’en êtes pas sûr, renseignez-vous sur le "syndrome de l’imposteur" (c’est-à-dire le sentiment de ne pas être à sa place, de douter de ses compétences, qui conduit à remettre en cause ses qualifications et à nier sa légitimité).
Ne cherchez pas à plaire à l’enfant (séduction, démagogie), vous n’êtes pas là pour être aimé, mais pour accompagner les élèves dans leurs apprentissages. Ne cherchez pas davantage à complaire aux parents d'élèves, ce ne sont pas eux qui vont vous apprendre votre métier.
La pratique de l’humour permet de détendre l’atmosphère, de proposer un point de vue différent, et de propager des sourires dans la classe.
L’une des conditions de transmission des savoirs est la qualité de la relation entretenue entre les élèves et le professeur. Établissez progressivement un lien de confiance et un dialogue ouvert pour obtenir l’engagement effectif des élèves, leur adhésion, leur motivation à apprendre.
N’espérez pas des changements du jour au lendemain ; allez-y petit à petit, étape par étape. Soyez indulgent avec vous-même : l’autorité n’est pas un fait naturel, cela s'apprend aussi.
Conclusion. Dans un contexte éducatif et pédagogique, les parents et les enseignants ne doivent pas contester leur propre autorité en se disqualifiant, ou en rejetant la responsabilité sur l’autre. Ils doivent essayer d'instaurer un dialogue (lors des réunions parents-professeurs par exemple) et créer un rapport de partenariat. Si toutefois, les deux rôles se recoupent, ils ne doivent pas être confondus : le parent éduque son enfant, et l’enseignant instruit les élèves. Les lecteurs les plus intéressés par ces questions (ou les plus téméraires d'entre eux) peuvent lire à ce sujet l'oeuvre classique de Condorcet !